L’écoperche

Les ingénieurs ont parfois des idées étranges. Comme de suspendre une locomotive à vapeur pour voir quel genres de mouvements elle fait quand elle fonctionne sans toucher le rail.

Mais commençons par un peu d’étymologie. Si l’on regarde dans un dictionnaire, une écoperche est, actuellement une barre de renfort transversale d’un échaffaudage. Un peu plus anciennement, il s’agit du nom des montants d’une chèvre. C’est probablement cette acceptation qui a donné son nom au système.

A l’origine, ces essais faisaient partie d’une grande campagne inter-réseaux ayant pour objectif de déterminer les contraintes exercées sur la voie par différents types de locomotives afin d’apporter des améliorations sur les châssis et organes de roulement. On avait donc imaginé un système de chèvre permettant de suspendre la locomotive en équilibre sur son point de gravité, attachant à celle ci cinq ressorts dont la dernière spire était équipée d’un stylet reportant sur une planchette les mouvements dudit ressort.

La première machine à « subir » la suspension sera une 121 du PLM, aux Ateliers de Paris (actuellement, le dépôt de Paris-Charolais, enfin, dépôt, c’est une façon de parler, il n’en reste quasiment rien), début juillet 1889. Cinq autres machines de compagnies différentes passeront aussi par la suspension.

Le résultat de ces essais sera désastreux. Un ingénieur du PO écrit dans son compte rendu:

En faisant ainsi mouvoir les machines suspendues dans le vide, dans des conditions absolument différentes de celles où elles travaillent en pratique, et d’après lesquelles leurs disposition et dimensions principales ont été déterminées pour la plupart expérimentalement, on n’est arrivé qu’à fausser des bielles, décaler ou fausser des essieux. Je ne m’y arrêterais pas davantage.

Les machines seront remises en état en Aout et Septembre 1890 et rendues à leurs propriétaires. La campagne d’essai suivante aura lieu au Royaume-Uni, et l’on trouve encore dans le rapport de notre revanchard ingénieur du PO:

Interrogé sur les essais de l’an passé, notre collègue de la compagnie de Lyon n’a pas souhaité donner plus d’éléments à propos de l’écoperche. Nous avons vivement déconseillé cette méthode au London-Brighton Rly, qui souhaitait la mettre en œuvre.

Voici une partie du schéma du système de suspension. Il me manque malheureusement une feuille, ne vous étonnez pas de la « coupure ».

suspension d'une locomotive

Et quelques feuilles de résultats, comprenant les relevés sur quelques planchettes:

horizontaleverticale

PO_butoirs

Notons que ces essais ne furent pas totalement infructueux. Ils permirent la conception ou l’amélioration d’un certain nombre d’équipements d’essais, dont les voitures dynamométriques et les bancs d’essais fixes. Un des premiers, Swindon, construit en 1904, a directement profité d’éléments de la campagne d’essais de 1889.

Le célèbre banc de Vitry, construit par l’OCEM en 1933 en sera l’aboutissement, permettant d’assurer la répétabilité des essais et la mesure de grandes quantités de paramètres dans des conditions proches de celles d’un laboratoire.